Pourquoi ma femme me rappelle ma mère ?

POURQUOI MA FEMME ME RAPPELLE MA MÈRE ?


Dans un de ses sketches, la comédienne Florence Foresti parodie avec talent les femmes qui se mêlent sans arrêt de ce que fait leur partenaire : "Fais pas ça, mange pas ça, va pas là-bas, tu vas prendre froid, enlève tes doigts ! Et après ça… Mais je suis pas ta mère !" Derrière le trait forcé de l’humoriste, chacun peut reconnaître un jeu de rôles vieux comme le monde : les femmes qui ont tendance à infantiliser leur conjoint, et l’homme qui se soumet volontiers à ce pli. Il faut dire qu’on a souvent répété que derrière ses pulsions de prédateur, qu’il a tant de mal à réprimer face aux courbes les plus affolantes qui passent à sa portée, l’homme ne serait, au fond, qu’en quête de sécurité. Il chercherait (à son insu bien souvent) chez l’élue de son cœur, une maman de substitution, voire une copie carbone de sa propre mère. Quelqu’un qui s’occuperait de lui, le rassurerait, le valoriserait. Qui lui ferait de beaux enfants, de bons petits plats, dans un intérieur douillet… L’homme est-il donc cet éternel enfant qui a besoin d’être cajolé, ce bagarreur de cour d’école qui a besoin qu’on lui dise qu’il est le plus fort ? Il se murmure même que bon nombre d’entre eux ont secrètement "besoin" d’être grondés et remis dans le droit chemin – ce dont certaines femmes s’acquitteraient volontiers.

Œdipe dit peu

Clichés ? Balivernes ? Evidences ? On en voit d’ici ricaner, et d’autres sortir leur petit Freud ou Lacan illustré. L’inconscient à la rescousse ! Œdipe, moi ? Jamais ! Pour tâcher d’y voir plus clair et démêler le vrai du faux, nous avons interrogé la psychanalyste Catherine Cudicio. En vraie spécialiste du couple, elle nous fait profiter de son expérience, elle qui a vu passer bon nombre de cas, tous particuliers, et pourtant si proches… Comme si nous reproduisions, malgré nous et à travers les générations, des schémas invariables. Selon Catherine Cudicio, il faut moins y voir une donnée psychologique ("complexe d’Œdipe" ou recherche inconsciente du parent vénéré) qu’une tendance sociologique – la reproduction réconfortante d’un modèle parental éprouvé. La vraie complexité réside aujourd’hui dans le fait que notre environnement sociétal modèle nos référents conscients ET non conscients. Cela donne un homme qui bien souvent, craque pour les plastiques de rêve mais aspire à bâtir avec une partenaire sécurisante – et qui est bien souvent incapable de jumeler les deux. Ou une femme qui cherche un héros pour la sauver en même temps qu’un grand enfant à materner…
Alors, en 2016, que valent ces schémas ? N’est-il pas temps de bousculer une fois pour toutes les vieux modèles ? Allo maman, plus de bobo, la parole est à Catherine Cudicio.

Catherine Cudicio, accréditez-vous l’idée communément répandue selon laquelle les hommes (un certain nombre d’entre eux, du moins), même inconsciemment, font de leur mère leur référent, ou leur contre-modèle, dans leur rapport avec les femmes ?

Que l’on soit homme ou femme, la mère joue un rôle de référence, personne n’en doute. L’enfant se construit dans la relation à sa mère, et à son entourage, il apprend des façons de se comporter, de communiquer et de jouer son rôle. Cet apprentissage comprend aussi le repérage du territoire des proches avec lesquels il interagit (frères, sœurs, grand parents, oncle, tantes, amis…) et surtout de la mère. C’est donc parfaitement normal que la mère tienne un rôle important dans les références, maintenant, rien n’interdit d’évoluer…

De façon générale, pensez-vous que les hommes "recherchent" une mère, ou leur mère, à travers leur femme ? Au-delà de l’attirance physique, des ardeurs de la passion, quelles sont leurs véritables attentes en amour ?

Beaucoup d’hommes mettent la confiance au premier rang de leurs attentes, il peut s’agir en effet de la prolongation d’une relation filiale. La simplicité, la tranquillité, pas de prise de tête, disponibilité sont aussi des critères fréquents. Incontestablement, beaucoup cherchent dans l’amour un soutien affectif inconditionnel…

Ce besoin, d’où viendrait-il ? Besoin d’être sécurisé, valorisé, voire glorifié ? Infantilisé peut-être ?

C’est un cas assez typique de course au paradis perdu ! La mère douce et aimante reste une figure très valorisée de l’imaginaire collectif, elle n’a d’attention que pour son bébé, l’amour est fusionnel, total, et pourtant il faudra quitter cet état pour s’accomplir. En même temps, il me semble qu’un homme épanoui a plus envie de partage que de sécurité. Quand on attend de l’autre un amour sécurisant, cela indique qu’on ne parvient pas à se rassurer soi-même soit qu’on veuille rester enfant, soit qu’on n’a pas appris comment faire…

Y a-t-il le cas inverse, d’hommes qui sont attirés par des femmes qui sont aux antipodes de leur mère, ou de ce que leur mère "aurait souhaité pour eux" ?

Mais c’est toujours faire référence au même modèle ! Certains hommes se sentent dépossédés de leur enfance et vont parfois jusqu’à se construire une représentation maternelle idéalisée, ou trouver au gré de leurs rencontres une femme qui deviendra une sorte de mère de substitution.